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LE BARS

ans, la pêche au bars a été une des grandes ressources riveraines des États-Unis, à partir des côtes du Massachusetts jusqu’à celles de la Floride. Encore de nos jours, les captures annuelles sont énormes, comme on peut en juger par des notes de carnet que voici :

« En décembre 1874, trois groupes de pêcheurs opérant à Bridgehampton. N.-Y., capturèrent au delà de 18,000 livres de bars, dans une semaine. D’un seul coup de seine, le capitaine Charles Ludlow réussit à atterrir 1,672 bars, pesant comme masse environ 7,000 livres. Dans le voisinage de Norfolk, Va., un seul coup de seine a rapporté 1,500 bars ; il y a deux ou trois ans, un coup de seine réalisait une pêche miraculeuse de 600 bars, d’un poids moyen de 80 livres chacun.

« Mais rien n’est comparable à la pêche du Dr Capehart, dans le comté de Bertie, Caroline du nord. À l’approche du temps du frai, et tout le temps que dure la pêche à l’alose et au hareng, le bars se tasse à la tête du détroit d’Albemarle, où il s’en fait des captures extraordinaires, de 20 à 40,000 livres chacune, durant une saison de cinquante jours, comprise entre trois mois, mars, avril et mai. Je lis dans un des rapports du Dr Capehart : « En 1858, j’ai capturé environ 30,000 livres de bars, d’un seul coup de seine. Un bon nombre de ces poissons pesaient de 75 à 85 livres. Le 6 mai 1876, nous fîmes une seinée de 820 pièces, du poids collectif de 37,000 livres, donnant, pour 365 bars, une moyenne de 65 livres, un bon nombre pesant 85, et quelques-uns 90 livres. À la seinée suivante nous enserrions 13,000 livres de plus, soit 50,000 livres, dans l’espace de six heures. »

La Gazette de Baltimore, en date de mai 1834, disait : « Des pêcheurs stationnés à Carpenter’s Point ont pris, d’un seul coup de seine, au delà de 800 bars de la plus grande taille qui se soit jamais vue. Quelques uns de ces poissons pesaient plus de cent livres, et le plus grand nombre avaient un poids moyen variant de 50 à 100 livres. »

La consommation annuelle du bars aux États-Unis est évaluée à plus de 20,000,000 de livres, sans que la production y accuse aucune dépression, quoique les citoyens de New-York l’entourent de moins de protection qu’au siècle dernier. En 1758, ils ont adopté une loi prohibant la vente de ce poisson, durant les mois d’hiver, « eu égard à la diminution marquée de ce poisson. » La contravention à cette loi comportait pour le délinquant une amende de quarante chelins et la saisie de son poisson ; et si le délinquant était un nègre, un mulâtre ou un esclave indien, il était attaché au pilori et y restait jusqu’à ce que son maître eût payé l’amende.

En somme, le bars américain, sans être millionnaire comme les poissons du haut commerce, la morue, le hareng, le saumon, jouit encore d’assez beaux revenus. Sous ce rapport, il laisse au fond de l’ombre son