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LES POISSONS

un médianoche, puis, lorsque le baissant s’accuse, on reprend la ligne avec un peu moins de zèle et un peu moins de succès aussi. Le baissant, du reste, ne vaut pas le montant, à cette pêche.

Résultat, si la pêche a été bonne, une cinquantaine de poissons chacun, beaucoup de fatigue et assez souvent un mal de cheveux plein de grimaces. On est jeune ou on ne l’est pas !…

En pêchant la petite-morue ou la loche — on l’appelle ainsi à Québec — il arrivera que vous prendrez une vraie loche ou queue d’anguille, et par exception un esturgeon.

Plus d’une fois, j’ai rapporté à la maison des centaines de ces petites-morues gelées roides, en barre, couvertes de neige, et jetées dans un baquet rempli d’eau froide, en quelques minutes elles revenaient à la vie.

La pêche dure jusqu’aux Rois, comme à Trois-Rivières. Si on n’y fait pas usage de filets, c’est que le mouvement de la marée et les courants qu’elle détermine ne permettraient pas de les fixer. Il y a quelque vingt ans, par une forte marée et un grand vent, la glace de l’embouchure de la rivière Saint-Charles, portant plusieurs cabanes, se dégagea du rivage et descendit en banquise jusqu’à l’église de Beauport, avant qu’on s’en aperçût. Il n’y eut ni perte de vie ni perte de choses. Un peu d’émotion et ce fut tout.

J’ai dit que le tom-cod ressemblait d’une manière frappante à la morue franche, et plus particulièrement au merlan noir avec lequel il vit intimement — lorsque ce dernier est en bas âge — mais je veux ajouter que le dos est nuancé de taches plus sombres, les nageoires piquetées d’un nombre infini de points noirs.

Je suis bien d’avis que les petites-morues se rendent au Saint-Maurice pour y déposer leurs œufs — qu’elles en repartent dans la quinzaine, pour retourner à la mer — mais je me demande si ces œufs flottent comme ceux des morues des bancs de Terre-Neuve, ou s’ils sont précipités au fond de l’eau et retenus là par leur poids spécifique, comme les œufs de la truite ? Il y a plus, je demande qui a vu le frai de ce poisson, soit en eau douce soit en eau salée ?

J’emprunte ici à la Presse de Montréal, un entrefilet accompagné d’une gravure publié par ce journal, à l’époque de la pêche du petit-poisson, l’hiver dernier (1895-96) :


« La pêche de la petite-morue était très lucrative, il y a une quinzaine d’années, en face de Portneuf. Un seul pêcheur a pu en prendre de 1,000 à 1,200 dans l’espace de cinq heures. Cette pêche ne se faisait qu’à la ligne, dans deux ou trois brasses d’eau, et était une source de revenus considérables pour les habitants du comté. On comptait alors jusqu’à cent cinquante cabanes de pêcheurs, en face du village de Portneuf, et les