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LE POISSON ARMÉ

tête longue, au museau très étroit et effilé, ayant une rangée de grandes dents aux mâchoires. La couleur tire sur le verdâtre dans les régions du dos, sur le jaunâtre le long des flancs, sur le rougeâtre sous le ventre ; les nageoires ont une coloration rougeâtre. La longueur de l’animal peut atteindre quatre pieds et demi.

« Les zoologistes sont loin de s’entendre sur le nombre des espèces de lépidostés ; tandis que les uns n’admettent que quatre espèces, d’autres cataloguent jusqu’à trente espèces réparties dans trois genres. On comprend, dès lors, qu’il soit difficile de donner la répartition géographique exacte de ces espèces comprises d’une manière aussi différente.

« De tous les poissons osseux, écrit Lacépède, les lépidostés sont ceux qui ont reçu les armes défensives les plus sûres. Les écailles épaisses, dures et osseuses, dont toute leur surface est revêtue forment une cuirasse impénétrable à la dent de presque tous les habitants des eaux, comme l’enveloppe des ostraciens, les boucliers des acipensères, la carapace des tortues et la couverture des caïmans. À l’abri sous leur tégument privilégié, plus conflants dans leurs forces, plus hardis dans leurs attaques que les écoses, les synodes et les sphyrènes, avec lesquels ils ont de très grands rapports, ravageant avec plus de sécurité le séjour qu’ils préfèrent, exerçant sur leurs victimes une tyrannie moins contestée, satisfaisant avec plus de facilité leurs appétits violents, ils sont bientôt devenus plus voraces et porteraient dans les eaux qu’ils habitent une dévastation à laquelle très peu de poissons pourraient se dérober, si ces mêmes écailles défensives qui, par leur épaisseur et leur sûreté ajoutent à leur audace, ne diminuaient pas par leur grandeur et leur inflexibilité, la rapidité de leurs mouvements, la facilité de leurs évolutions, l’impétuosité de leurs élans et ne laissaient pas ainsi à leur proie quelque ressource dans l’adresse, l’agilité et la fuite précipitée.

« Mais cette même voracité les livre souvent entre les mains des ennemis qui les poursuivent ; elle les force à mordre sans précaution à l’hameçon préparé pour leur perte ; et cet effet de leur tendance naturelle à soutenir leur existence leur est d’autant plus funeste par son excès qu’ils sont très recherchés à cause de la bonté de leur chair. »

Cette description est certainement brillante, mais elle est loin d’être exacte, Lacépède n’ayant jamais observé les animaux dont il parle. Il n’en est pas de même d’Agassiz, qui nous a laissé de précieux renseignements sur les lépidostés.

« Ces animaux, dit Agassiz, sont des poissons qui nagent avec une extrême rapidité ; ils se lancent comme une flèche à travers les eaux et franchissent les courants les plus rapides, même ceux du Niagara, si violents cependant. »