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LA BARBOTTE

AMIURUS


Pimelode-Chat (LeSueur). — Barbotte (canadien-français). — Bull-head. — Horned-pout. — Mud-pout (anglais).


La barbotte, l’un des innombrables sous-genres siluroïdes, peuple très abondamment les eaux du bassin de l’Ottawa. Elle a à peu près la même forme que son aîné le silure d’Amérique, la barbue, sauf qu’elle porte une queue carrée plus épaisse, plus large, au lieu d’une queue fourchue. Sa tête et sa queue le rapprochent plutôt du silure d’Europe, un géant à côté d’elle, puisque rarement elle dépasse le poids d’une livre, même dans les eaux les plus favorables à son développement, comme le lac Bernard, par exemple, où elle est si alerte qu’elle saute à la mouche et vient disputer des poissons vifs au nez même de l’achigan et les lui arracher de la bouche. Les petits cours d’eau et les marais du bassin du Saint-Laurent, tant au nord qu’au sud, en sont radicalement infestés. Tout le monde la connaît, c’est le poisson des enfants, et qui de nous n’a payé sa connaissance d’une cuisante blessure provenant des pectorales ou de leur dorsale toujours armées en guerre ?

Vous n’avez pas oublié, sans doute, l’avoir pêchée à la bouche du ruisseau voisin moiré de vase, en enfonçant votre canne de pêche dans le sol et l’appuyant sur une fourche de houx, pendant que vous suiviez des yeux les manœuvres d’un gars vigoureux qui pêchait au carrelet, du haut d’un lourd bachot.

Et vous reveniez encore là, le soir, avec le père ou le grand frère, pêcher le même poisson mêlé d’anguilles, à la vermée et au flambeau. On pêche encore au flambeau, au harpon, mais la vermée est tombée en désuétude, je crois. J’en ai tout de même gardé un délicieux souvenir en ma mémoire.

La barbotte pond ses œufs dans les ajoncs, et les fixe à une plante quelconque, vers la fin de mai. Quelquefois, la parturition lui coûte de dures souffrances ; si vous en voyez sur le marché, le corps meurtri, déchiré, sanglant, c’est qu’elles ont passé entre des racines ou des cailloux pour se débarrasser de leurs œufs. C’est pour avoir ainsi souffert qu’elles s’attachent à leurs petits. Le mâle pourtant leur porte un intérêt vraiment curieux. Il les suit de jour et de nuit, lorsque dégagé de la tige qui les a vus naître, ils vont au gré des remous ou de la brise, d’une anse à l’autre,