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LES POISSONS

les graines ; le pêcheur peut se munir de gants et de gants aussi fins et aussi délicats qu’il le jugera convenable. Il n’a plus à manier que des imitations de la nature qu’on pourrait appeler de véritables objets d’art plastique.

La pêche à la mouche artificielle est, en Angleterre, la pêche des gens comme il faut, des gentlemen, qui tous en font une affaire sérieuse, et, en général, y sont passés maîtres, non qu’ils dédaignent la pêche sédentaire, loin de là, mais ils montrent une prédilection évidente pour l’exercice qui nous occupe et qui permet, en s’y livrant, de garder cette tenue soignée et lissée si chère à la gentry.

Or, dans notre Canada, cette pêche est peu employée ; elle attire cependant pas mal d’étrangers, qui viennent en jouir sur notre sol, et nous, nous ne la pratiquons pas ou presque pas. On ne peut pas dire que la truite soit plus commune chez les Anglais que chez nous ; elle est autochtone dans les deux pays ; si elle est un peu moins rare dans certaines rivières du Royaume-Uni, en revanche, il n’existe que le thalweg du Saint-Laurent, entre le Saguenay et la chute Niagara, où les truites ne se pêchent pas, et encore peut-on y pêcher le poisson blanc de surface dans des conditions de grosseur extrêmement respectable. Il est certain que cette différence de goût tient à la différence de génie des deux peuples ; au peuple froid et passif, l’exercice extrême de cette pêche ; au peuple gai et actif, le repos de la pêche sédentaire. Rien de plus naturel, c’est la loi éternelle des contrastes.

Quoi qu’il en soit, nous pouvons sortir de cette apathie, tout Français que nous sommes, et nous bien figurer que, contrairement à ce qu’on dit, la pêche à la mouche artificielle n’a pas de mystères insondables, et se fait très facilement — comme les autres pêches — quand on peut y mettre le soin nécessaire.

On a longtemps cru, dans notre pays, que cette pêche exigeait l’achat d’engins très coûteux ; c’est encore une erreur ; en suivant les conseils que nous donnons dans ce livre, nous aimons à croire que le lecteur en aura acquis la certitude ; il est tout aussi facile de se faire une canne pour cette pêche que pour une autre. Reste donc le moulinet ; même celui-ci, on peut le faire ; mais quand on devrait l’acheter, il dure autant que le pêcheur ; ce n’est donc pas une grande dépense.

À l’article pêche au lancer nous décrivons la manière dont il faut monter sa canne, sa ligne, et apprendre à lancer la mouche sur la surface des eaux, de manière qu’elle y tombe comme un insecte naturel poussé par le vent. Car c’est surtout la truite qu’il faut chasser avec la mouche artificielle ; elle est la reine des poissons d’eau douce : aussi devons-nous examiner ensemble ses mœurs carnassières.