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Page:Montpetit - Souvenirs tome I, 1944.djvu/64

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ORIENTATIONS

fleuve, je n’avais jamais vu la mer et j’en suivais les mouvements avec avidité, émerveillé de ce qu’elle m’offrait d’inattendu et de dangereux. Au Havre, par le hublot — nous étions arrivés de nuit — j’aperçus un gabelou qui traînait son sabre et se frisait la moustache : premier citoyen, représentant de l’autorité dans un pays libre et indépendant, étrange révélation à mon âme coloniale.

J’arpentai les rues du Havre avec une ardente curiosité. La vie y coulait, si nouvelle pour moi ; elle se plaisait même à m’accueillir par toutes les manifestations qu’elle réserve à la matinée : je croisai un enterrement, je vis défiler le joyeux cortège d’un mariage. J’entrais en contact avec la France, aussitôt adapté et ravi.

Je pris mon premier déjeuner dans un tout petit restaurant, peut-être une crémerie : du café à la saveur plus amère et des croissants dont le goût ne m’a plus quitté. Il faisait soleil. Nous étions près du port. La rue s’éveillait. Les marchands ambulants, comme au premier acte de Louise, lançaient leurs produits à tous les échos : « À l’anguille