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SOUVENIRS

du nord. Là s’accomplit encore le long travail de colonisation ; et la vie ouvre des horizons nouveaux. Ces paysages obstinés, que le travail humain modifie avec lenteur, mesurent notre tâche et révèlent en un symbole saisissant la grandeur et la beauté de notre conquête. Nous y suivons l’effort du pionnier que décuple un climat vif. Nous le voyons avancer pas à pas et se créer un foyer parmi la nature sauvage et rebelle : première minute d’une civilisation.

Souvent, du seuil de l’humble maison où l’homme de la forêt pose son outil, j’ai regardé descendre la nuit sur ce décor sans chaleur, aux lignes énergiques, qui possède toute la majesté de la force. Devant ce spectacle, plein de promesses, le cœur se reprenait à espérer, et la parole de l’idéaliste Emerson ne paraissait pas aussi vaine. Le jour, de partout disparu, ne donnait plus qu’un rayon qui venait doucement s’éteindre sur le vitrail, un instant ranimé, d’une église lointaine : et il me semblait que cette dernière clarté allait allumer là-bas la première étoile.