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VERS L’OUEST

pousser plus loin, connaître les rives sauvages de la côte, atteindre l’Alaska, comme je voudrais m’élancer vers l’Orient, dont de grands vaisseaux blancs disent déjà la présence.

N’importe. Pour le moment, je me plais à cette course dans une sorte de fjord. De cela, j’ai toujours rêvé. Est-ce à cause de leur grandiose et silencieuse intimité, de leur ressemblance — mais à une bien plus grande échelle — avec le Saguenay, ou de l’évocation d’une image Scandinave, qui m a souvent attiré. Celui-ci, me dit-on, vaut ceux qui s’échelonnent jusqu’à Prince Rupert. Ailleurs, le spectacle est sans doute plus majestueux encore : mais je pénètre dans une échancrure de ces fameux huit mille milles de côtes et je m’imagine naviguer vers le Nord, vers l’apaisement d’un désir longtemps caressé.

Un horizon de pierre saisit et emprisonne, si bien que l’on croit naviguer dans la montagne. Une série de détroits, de détours, dont les monts barrent les issues. Mais ce n’est qu’un jeu. Le détour passé, ils se déploient en trois pics altiers où trainent des neiges. Mouvement d’ensemble, extraordinaire, qui, dirait-on, n’est pas celui du bateau qui nous porte, mais bien celui des monts qui s’entrouvent avec une impressionnante et lente majesté.

Les travaux des hommes brisent un instant l’harmonieux silence. Je vois des carrières et une installation de force hydraulique : mais les couleurs dominent, enveloppant même ces déchirures. La mer est bleue, verts les sapins puissants, rouges les rochers impassibles. Et toujours ce silence sur les rives qui se rapprochent.

Voici de nouveau les hommes : quelques cha-