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SOUVENIRS

d’une marée basse. N’était un club, tout semblerait primitif, abandonné. Une chaleur d’enfer sous l’éternité des neiges en couronne.

***

En revenant du Lac Émeraude nous longeons le Kicking Horse, avant que la Yoha le rejoigne. Nous sommes cette fois entourés de pics. Nous les touchons, après la hantise de les atteindre, de partager leur garde altière et silencieuse. La rivière est à deux cent vingt pieds. La route en gradins s’accroche au versant d’un mont. Nous voici au fond de la vallée, plus bas que la rivière dont les torrents bleus déferlent vers une chute en queue de comète dans laquelle, par deux bonds, l’eau chargée de glace tombe comme un ensemble de pièces pyrotechniques.

Et voici la cuve où gît le Lac Louise.

Le Lac Louise ! Pourquoi est-ce après tant de beautés qu’on y atteint ? Et pourquoi dégage-t-il au premier regard une impression de carte postale, de tam-tam et de commerce ? Ce n’est pas une silencieuse intimité, mais un décor qui se déploie comme au théâtre : à l’arrière-plan, dans l’évasement d’un entonnoir, un vaste éventail, au centre blanc. Le pli de droite s’incline en courbe douce, nuancée par la teinte sombre des pins distribués aussi en éventail. La roche brune aux reflets ocrés porte, dégagé, le Devil’s thumb. Le pli de gauche, du même roc, est plus vigoureusement incliné sous les arbres et la verdure qui l’envahissent, y montent, l’assaillent. Il est terminé par une pyramide striée de neige, inondée de soleil en cette fin de jour.

Le glacier que nous soupçonnions, que nous retrouvons dans ses œuvres partout, est bien là.