Page:Montpetit - Souvenirs tome III, 1955.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
VERS L’OUEST

culture mixte, remarquable cheptel. Mais combien d’étendues sans âme.

Toronto profile ses fines flèches parmi de lourds essais de sky-scrapers. Nous traversons le Lac Ontario aux eaux bleues moirées de vert et nous longeons la rivière Niagara jusqu’à la rampe d’où elle bondit.

Les chutes. Qui n’admirerait cette merveille que nous connaissons tous par tant de descriptions qui en ont été faites : et pas un manuel de géographie qui n’en projette l’image. Elle est là devant nous, aveugle et puissante. La voir enfin et en jauger la beauté ! Comparer la chute canadienne à sa jumelle américaine, plus mince. Le regard reste attaché à ce fantastique mouvement des eaux qui, la rampe passée, s’étalent en tourbillons éperdus. Ceux qui en sentent l’attrait peuvent s’approcher du gouffre d’où monte en pluie fine un brouillard d’écume. On les a fortement vêtus de toile cirée et ils figurent, ainsi travestis, la silhouette de marins dans la tempête.

Que préférer, de la chute ou de l’emportement du couloir ? Les deux laissent une impression de force que désormais le souvenir ne sépare plus.

La rivière s’affole aux approches de la chute, attirée par le vide où elle va bondir en coup de tonnerre. Le saut accompli, elle tournoie et les eaux s’engagent dans un étroit passage qui les contraint sans les assagir. Le flot, emprisonné dans de hautes berges, poursuit son cours en ligne droite jusqu’au fameux whirpool. La rivière s’assagit enfin dans un paisible et dernier remous de mousse blanche.

Le soir nous ramène à Toronto où nous reprenons le train vers Montréal. C’est la fin d’un admirable voyage.