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SOUVENIRS

la vitre. Une reconstitution qui, si je la refaisais demain, ne serait plus la même.

Je connais un peintre qui rapporte chaque automne des régions qu’il a visitées, cinq ou six toiles, des pochades qui fixent un rayon de soleil, un bourg silencieux, le cintre d’un porche, la sortie d’une église, morceaux de souvenir où sa mémoire se repaît d’enchantement, dans le silence retrouvé de son atelier. Combien, revenus de loin, se sont ainsi enveloppés d’une atmosphère qu’ils sont seuls à comprendre, qui inonde l’esprit de la chaleur du regret, les garde de l’oubli et stimule leur énergie.

Mon ami le peintre n’a pas tout rapporté ? Qu’importe. Pour moi qui n’ai pas tout vu, j’ai du moins touché des yeux les décors où je n’ai pas pénétré ; et je conserve pour l’avenir un tel désir de visiter enfin les lieux que j’ai peu connus et de m’y attarder qu’il me semble que le jeu, tout de sympathie, où je me laisse aller, me donne le droit de t’en parler.

***

Tu le sais, ce qui caractérise d’abord le Canada, c’est son étendue. « Terre de tous les âges, écrit Émile Miller, de toutes les vicissitudes, de toutes les physionomies, de toutes les valeurs, vêtue à même la flore de deux zones ; ici tout est immensité et multitude ; un peu de tous les pays et plus qu’en tout autre pays. » Seules la Chine et la Sibérie ont un plus vaste domaine. Les lacs et les rivières qui enrichissent le sol canadien groupent près de la moitié des eaux douces du globe. Le Saint-Laurent parcourt longuement le pays natal auquel, à juste titre, il a donné son nom.

Deux remparts contraignent les mers et gardent le continent nord américain. Une plaine