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SOUVENIRS

des faiblesses attribuables à l’angoisse de disciples inexpérimentés, je ne juge pas : mais je sais que la moindre de ces œuvres détachée de son climat vers nos solitudes offrirait un relief singulier.

Nous déposons nos pardessus et nos chapeaux sur une console, à l’entrée des antichambres dont nous franchissons deux ou trois d’un trait. Je suis en habit, le chanoine Chartier porte le manteau romain, sous lequel, « saintement rebelle » à la discipline protocolaire, il a glissé la photographie que je voudrais faire signer par le Souverain Pontife : très heureux, je le sais, de m’obtenir une faveur qui frise le passe-droit.

Une heure d’attente dans une large pièce aux tentures rouges où des sièges sont disposés contre les murs. Nous avons tout le temps d’admirer de ravissants gobelins d’Audran, leur harmonie, le jeu infini de leurs nuances, la sûreté de leurs perspectives.

Une sonnerie : M. Jonnart, le nouvel ambassadeur de la France auprès du Vatican, passe, accompagné de sa famille. Comme les cardinaux et les dignitaires ecclésiastiques, les ambassadeurs ont préséance : ils sont admis de droit chez le Souverain Pontife et ne connaissent pas les rêveries de l’antichambre. M. Jonnart est en uniforme et porte en bandoulière un large ruban aux trois couleurs. Les gardes rectifient la position d’un mouvement brusque, comme s’ils étaient tout à coup surpris. Cette scène rapide, qui ne laisse pas d’être émouvante, rompt la monotonie de nos pas perdus.

M. Jonnart repassera tout à l’heure devant nous comme ceux qui reviennent d’une audience privée. J’évoque ce roman où Giraudoux décrit les gens qu’il croise sur la grand-route, ceux qui