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Page:Monval - Le Figaro, supplément littéraire, année 9, n° 26, 30 juin 1883 (extrait).djvu/4

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Mlle Barbier de Vaux, plus vertueuse — on le croira sans peine — n’a pas donné au Théâtre-Français moins de quatre tragédies : Arrie et Pètus, Cornélie mère des Gracques, Tomyrys reine des Scythes et la Mort de César, antérieure à celle de Voltaire. Toutes furent généralement attribuées à l’abbé Pellegrin, qui dînait « de l’autel et soupait du théâtre », et qui passe aussi pour être l’auteur de la petite comédie du Faucon, représentée et imprimée sous le nom de Mlle Barbier.

Pourquoi les femmes ne feraient-elles pas de tragédies ? On en a trois de Madame de Gomez, plus connue — il est vrai — par ses romans. Petite-fille, fille, sœur et nièce de comédiens, amie de la Desmares, Madeleine-Angélique Poisson ne pouvait manquer de travailler pour le théâtre : elle donna coup sur coup Habis, Sémiramis et Cléarque, tyran d’Héraclée. Elle était l’une des quatre filles du fameux Crispin, Paul Poisson, et mourut, âgée de quatre-vingt-sept ans, à Saint-Germain-en-Laye, où sa mère, Angélique Du Croisy, qui avait connu Molière, était morte nonagénaire.

C’est encore une tragédie qui donne place dans notre galerie à Mme Fiquet Du Boccage, une rouennaise, femme d’un receveur des tailles de Dieppe, qui jouissait de 40 000 livres de rente : ce qui lui permit, quand on représenta ses Amazones au Théâtre-Français, de faire présent de sa pièce aux comédiens et de magnifiques costumes aux deux principales interprètes. Lorsque Voltaire la reçut à Ferney, il lui mit sur la tête une couronne de laurier, seul ornement — disait-il — qui manquât à sa coiffure. Mme Du Boccage est morte à quatre-vingt-douze ans, membre des académies de Rome, Bologne, Padoue, Lyon et Rouen, ayant recueilli — pour ainsi dire — les hommages de deux siècles.

Madame de Graffigny, de Nancy, fille d’une petite nièce de Callot, est surtout connue par les Lettres d’une Péruvienne. Sa comédie de Cénie, donnée au Théâtre-Français en 1750, fut attribuée au concours de neuf auteurs, dont un abbé (Pellegrin était mort). Elle eut 25 représentations, chiffre fort honorable pour le temps. Moins heureuse fut, huit ans plus tard, sa Fille d’Aristide, autre comédie en cinq actes, en prose, dont la chute — dit-on — causa la mort de l’auteur.

Est-ce à cette circonstance funeste qu’il faut attribuer l’absence d’auteurs-femmes au Théâtre-Français pendant treize années ? Encore se mirent-elles deux à l’œuvre pour donner, le 7 mars 1771, sur le théâtre des Tuileries, la petite comédie de l’Heureuse rencontre, qui n’eut que cinq représentations : c’étaient Madame Rozet et Madame Chaumont.

De la première nous ne savons rien, que son nom. De madame Chaumont-Falconet seule, la Comédie représenta