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Page:Moréas-Adam - Le Thé chez Miranda, 1886.djvu/81

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— Je suis ta mère ; après ? la belle affaire ! Est-ce que je te connais, moi ? Je t’ai vu à sept ans une seule fois ; tu es un étranger, un joli garçon, et tu m’as tourné la tête… Avec ça que tu ne me désires pas, toi ! Mais regarde-moi donc, je suis belle comme à vingt ans ! Ah mais, il y a la morale. Oh ! la morale ! Je m’en moque ! D’ailleurs tu ne sais pas, ta tante t’a tout caché… j’ai été… entretenue, j’ai été… cocotte, comme on dit ! Tous mes biens, tes biens viennent de là… Tu n’aurais pas le droit de faire le scrupuleux. Nous sommes dans la boue, Philippe, restons-y…

Il la regarda stupéfait. Elle continua, de plus en plus surexcitée :

— Tu m’as vue en chemise, tu sais que j’ai une poitrine superbe que des princes payeraient au poids de l’or… Nous allons être heureux, mon Philippe. Veux-tu ? Oh ! je t’aimerai va, et nous mourrons ensemble… d’amour…

Elle se rua sur son fils avec des gestes de Ménade, et, l’emportant dans ses bras nerveux, elle se roula avec lui sur la chaise longue, lui soufflant au visage la griserie de son haleine. Il se sentit perdu dans un anéantissement voluptueux. Puis, soudain, se déga-