Page:Moréas - Les Premières Armes du symbolisme, 1889.djvu/26

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on peut se croire irrémissiblement damné et c’est alors une sensation exquise. On est donc religieux ; n’est-il pas d’une délicieuse élégance de raconter une scélératesse bien noire avec des mots sacrés ? Les œuvres de l’école font briller plus d’ostensoirs et resplendir plus d’or sur les chapes, allument plus de cierges, ouvrent plus de missels et fourbissent plus de décors de basilique que la rue Saint-Sulpice tout entière n’en pourrait fournir. Lisez la pièce de Floupette intitulée Remords ; elle est caractéristique. Les cimetières, les cercueils, les tombes, bien que depuis le Moine de Lewis et le romantisme on en ait fort abusé, sont d’un ragoût trop piquant pour que le décadent y renonce tout à fait. Un peu de lune bleuissante par-dessus est également toujours goûté :

Mon cœur est un cercueil vide dans une tombe.

Comment remplacerait-on une image aussi expressive ?

Cette maladive manie de se séparer du reste des hommes n’empêche pas le décadent d’aimer le bifteck saignant, de recourir, quand il a besoin de protection, aux agents de cette société qu’il dédaigne, d’avoir un tailleur qui l’habille à la dernière mode et de pratiquer sans effort les règles de la civilité puérile et honnête dans ses rapports avec ses contemporains. Aussi ne prenons-nous pas, pour notre part, autrement au sérieux ce mélange de mysticisme désespéré et de perversité satanique, trop voulu pour ne pas fleurer un peu la fumisterie. Nous aurions donc