Page:Moréas - Les Premières Armes du symbolisme, 1889.djvu/51

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monsieur Jean Moréas, que si je suis embarrassé, c’est un peu de votre faute. Vous rapportez tout au symbolisme. Vous croyez que les littératures de tous les âges et de tous les pays n’eurent de raison d’être qu’en ce qu’elles préparèrent l’éclosion du symbolisme. C’est là un point de vue où il m’est difficile de me placer. M. Zola, s’il vous en souvient, s’est efforcé de prouver que la littérature tend, depuis les âges les plus reculés, au naturalisme, lequel en est la fin nécessaire, et que tous les progrès de l’art d’écrire ont abouti fatalement aux Rougon-Macquart. Il n’y a pas tout à fait réussi, pour plusieurs raisons ; la première est que cela n’est peut-être pas vrai. Ce n’est pas vous, monsieur Moréas, qui contredirez à cette raison. Il y en a d’autres encore. M. Zola a, dans sa laborieuse et honorable carrière, plus écrit qu’il n’a lu. Je ne m’en plains pas, puisque ses livres sont très intéressants. Mais enfin, le passé de l’esprit humain lui échappe en partie et, quand il a essayé d’établir les prolégomènes du naturalisme dans le roman et au théâtre, il a montré beaucoup d’incertitude. Ses adversaires eux-mêmes ont été tentés de lui venir en aide et de lui citer les Milésiennes, la Célestine, les Picaresques. Sorel, Furestière, Scaron, Caylus, Restif de la Bretonne et cent autres qu’il oubliait. Il n’y a pas jusqu’au dialogue de Boileau sur les héros de roman qui ne lui eût profité. Car Boileau et les classiques sont, a leur façon et à son insu, les auxiliaires de M. Zola. Boileau reprochait à Scudéry précisément ce que Zola reproche, et non pas tout à fait à tort, à Victor Hugo. Quant à vous, monsieur, si j’osais, je vous désignerais un de vos précurseurs que vous négligez,