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Page:Moréas - Réflexions sur quelques poètes, 1912.djvu/18

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réflexions sur quelques poètes

les plus nobles esprits
En sont plus fort et plus soudain espris.

Notre poétesse rappelle l’exemple de Sémiramis. Cette grande reine, qui avait mis en déroute les noirs escadrons des Éthiopiens, se laissa bien prendre dans les lacs d’un amour terrible et criminel.

O reine de Babylone, s’écrie Louise Labé :

Où est ton cœur qui es combaz resonne ?
Qu’est devenu ce fer et cet escu,
Dont tu rendois le plus brave veincu ?
Où as-tu mis la Marciale creste
Qui obombroit le blond or de ta teste ?
Où est l’espée, où est cette cuirasse
Dont tu rompois des ennemis l’audace
Où sont fuiz tes coursiers furieus,
Lesquels trainoient ton char victoriens ?

O Sémiramis, le plaisir des armes ne te touche plus, tu as cessé d’être toi-même. Amour a donc pu corrompre ton cœur viril si facilement ?

En parlant du cœur viril de Sémiramis et de ses exploits belliqueux, Louise songe sans doute à sa propre aventure.