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PARAÎTRA PROCHAINEMENT :
■ JEAN NORMAND ■
LE FAUX
TESTAMENT
Roman complet inédit


I
Une mort étrange

Chaque matin sur le coup de huit heures, M. Brissot, le maître du domaine de Vaudreuil, montait à cheval pour visiter ses herbages où jeunes poulains, bœufs et moutons paissaient en liberté, et ne rentrait que fort rarement avant l’heure du déjeuner.

Ce matin là, une demi-heure à peine après le départ de son maître, Pitois, le chef d’écurie, éprouva une indicible surprise en voyant revenir Madhi, le cheval de M. Brissot, sans cavalier, les étriers battant au long des quartiers de la selle, le mors souillé d’écume.

Immédiatement, le brave homme eut le pressentiment d’un malheur.

— Occupe-toi de lui, dit-il au garçon d’écurie en lui montrant le cheval de la main.

En un tournemain, Pitois eut sellé, bridé un cheval puis, à toute allure, partit sur l’itinéraire habituellement suivi par son maître. Il le découvrit à deux kilomètres du domaine, allongé au pied d’un chêne, un mince filet de sang coulant de l’oreille droite et trahissant la mortelle, l’impitoyable fracture du crâne.

Immédiatement, Pitois alerta des paysans qui attelèrent une carriole dans laquelle le corps de M. Brissot fut ramené à son domaine qu’il avait quitté si peu de temps auparavant, plein de force et de santé.

Tout en suivant le funèbre équipage, Pitois ne pouvait s’empêcher de certaines réflexions.

Madhi était un cheval âgé déjà, qui ne s’effrayait pas facilement et, d’autre part, un cavalier tel que M. Brissot n’avait pu se trouver pris au dépourvu par une défense, si dure fût-elle, de sa monture.

Et dans sa logique paysanne, Pitois en arrivait à formuler cette opinion que « des fois, on aurait bien pu aider M. Brissot à avoir un accident ».