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Page:More - Du meilleur gouvernement possible, ou, La nouvelle isle d'Utopie, 1789.djvu/58

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30              l’Utopie,
» fainéans, de gens perdus pour la Patrie, de
» gens enfin qui ſement journellement le trou-
» ble & la diviſion, font naître les rixes & les
» querelles durant la paix, dont les intérêts
» (vous en conviendrez) doivent vous être in-
» finiment plus chers que ceux de la guerre.
» Mais cet abus n’eſt pas le ſeul qui forme ces
» pépinières de voleurs dont vous vous plai-
» gnez; il en eſt un autre d’autant plus dange-
» reux pour vous, qu’il vous eſt, je crois,
» particulier. Quel eſt-il? me demanda le Car-
» dinal. Vos brebis, Monſeigneur. Ci-devant
» ſobres & modeſtes, la plus petite prairie ſuf-
» fiſait pour les faire paître & les nourrir; mais
» elles ſont devenues depuis peu, à ce que
» j’entends dire, ſi gloutonnes, ſi inſatiables,
» qu’elles dévaſtent les campagnes, ravagent
» les maiſons & les villes, & dévorent juſqu’à
» leurs habitans. Dans toutes les provinces du
» Royaume, où croît la laine la plus fine, &
» par conſéquent la plus recherchée, les Gen-
» tilshommes, les riches, & même pluſieurs
» ſaints Abbés ne ſont plus ſatisfaits des re-
» venus annuels que leurs aïeux, leurs de-
» vanciers tiraient de leurs biens-fonds, &
» que leur ſage économie leur faiſait trouver
» plus que ſuffiſans pour tous leurs beſoins.
» Les deſcendans de ces vertueux citoyens,