Page:More - L’Utopie, trad. Stouvenel, 1842.djvu/194

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d’une longue suite de riches aïeux, et surtout de riches propriétaires (car la noblesse d’aujourd’hui, c’est la fortune). Néanmoins, ces insensés, n’eussent-ils rien hérité de leurs pères, ou bien eussent-ils dévoré tout leur patrimoine, que malgré cela ils ne se croiraient pas moins nobles d’un cheveu.

« Les Utopiens rangent les amateurs de pierreries dans la catégorie des entichés de noblesse. Les hommes qui ont cette passion se croient de petits dieux, quand ils ont trouvé une pierre belle et rare, particulièrement estimée de leur temps et dans leur pays. Car la même pierre ne conserve pas toujours et partout la même valeur. L’amateur de joyaux les achète nus et sans or ; il pousse même la précaution jusqu’à exiger du vendeur une caution et aussi le serment que le diamant, le rubis, la topaze sont de bon aloi ; tant il craint qu’un faux brillant n’en impose à ses yeux ! Quel plaisir y a-t-il donc à regarder une pierre naturelle plutôt qu’une pierre artificielle, puisque l’œil n’en peut saisir la dif-