Page:More - L’Utopie, trad. Stouvenel, 1842.djvu/203

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que ces choses ne sont pas délectables par elles-mêmes, mais seulement parce qu’elles s’opposent à l’invasion secrète de la maladie.

« L’homme sage prévient le mal plutôt que d’employer les remèdes ; il évite la douleur plutôt que de recourir aux soulagements. D’après cela, les Utopiens usent de tous les plaisirs du corps dont la privation nécessiterait l’emploi de moyens curatifs. Mais ils ne mettent pas tout leur bonheur dans ces plaisirs ; autrement, le comble de la félicité humaine serait la faim et la soif en permanence, puisqu’il faudrait alors manger et boire sans désemparer. Certes, une pareille vie serait aussi misérable qu’ignoble.

« Les jouissances animales sont les plus viles, les moins pures, et toujours il y a une douleur qui les accompagne. La faim n’est-elle pas unie au plaisir de manger, et cela en parties bien inégales ? En effet, la sensation de la faim est la plus violente ; elle est aussi la plus durable, puisqu’elle naît avant le plaisir et ne meurt qu’avec lui.