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INTRODUCTION.

due, mais surtout aux déceptions répétées que l’Angleterre avait subies, de 1511 à 1515.

Durant cette courte période, le cabinet de Londres s’était maladroitement mêlé des affaires d’Italie. Croyant enlever à la France deux ou trois provinces, il avait prodigué ses soldats et ses trésors au seul profit du roi d’Aragon, du pape et de l’empereur[1]. Ces mystifications ruineuses lui ouvrirent les yeux. Il comprit qu’il était la dupe de ses alliés, et qu’en définitive la ruse et la fourberie leur avaient servi, beaucoup plus qu’à lui l’audace et la victoire. Sans doute les diplomates anglais, et Thomas Morus avec eux, trouvèrent-ils convenable et utile d’adopter, en principe, cette politique inqualifiable, justifiée à leurs yeux par le succès, et dont la politique utopienne est la traduction[2].

  1. À l’aide de la guerre alors engagée entre Henri VIII et la France, le roi Ferdinand s’empara de la Navarre et conserva le royaume de Naples ; Maximilien Ier, cet empereur mendiant, récolta des sommes énormes, et les papes Jules II et Léon X s’efforcèrent d’étendre leur puissance temporelle en Italie.
  2. Il est certain que de profonds changements eurent lieu vers cette époque, dans les conseils du jeune roi Henri VIII. La politique anglaise, laissant de côté ses vieilles routines, prit une direction déterminée, en rapport avec sa position géographique