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Page:More - L’Utopie, trad. Stouvenel, 1842.djvu/292

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quelle abondante source de chagrin n’a-t-elle pas tarie ! quelle large moisson de crimes arrachés jusqu’à la racine ! Qui ne sait, en effet, que les fraudes, les vols, les rapines, les rixes, les tumultes, les querelles, les séditions, les meurtres, les trahisons, les empoisonnements ; qui ne sait, dis-je, que tous ces crimes dont la société se venge par des supplices permanents, sans pouvoir les prévenir, seraient anéantis le jour où l’argent aurait disparu ? Alors disparaîtraient aussi la crainte, l’inquiétude, les soins, les fatigues et les veilles. La pauvreté même, qui seule paraît avoir besoin d’argent, la pauvreté diminuerait à l’instant, si la monnaie était complètement abolie.

« En voici la preuve manifeste :

« Supposez qu’il vienne une année mauvaise et stérile, pendant laquelle une horrible famine enlève plusieurs milliers d’hommes. Je soutiens que si, à la fin de la disette, on fouillait les greniers des riches, l’on y trouverait d’immenses provisions de grains. En sorte que si ces provisions avaient été distribuées à