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Page:More - L’Utopie, trad. Stouvenel, 1842.djvu/62

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UTOPIE DE THOMAS MORUS

veulent pas les employer. Ils savent qu’un homme élevé mollement dans l’oisiveté et les délices, habitué à porter le cimeterre et le bouclier, à regarder fièrement le voisinage et à mépriser tout le monde ; ils savent qu’un tel homme est peu propre à manier la bêche et le hoyau, à travailler fidèlement, pour un mince salaire et une faible nourriture, au service d’un pauvre laboureur.

« Là-dessus mon antagoniste répondit :

— « C’est précisément cette classe d’hommes que l’État doit entretenir et multiplier avec le plus de soin. Il y a chez eux plus de courage et d’élévation dans l’âme que chez l’artisan et le laboureur. Ils sont plus grands et plus robustes ; et partant, ils constituent la force d’une armée, quand il s’agit de livrer bataille.

— Autant vaudrait dire, répliquai-je alors, qu’il faut, pour la gloire et le succès de vos armes, multiplier les voleurs. Car ces fainéants en sont une pépinière inépuisable. Et, de fait, les voleurs ne sont pas les plus mauvais soldats, et les soldats ne sont pas les plus