Page:Moreau-Nélaton - Corot, Laurens.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
COROT.

brités de la palette, s’abstenait de toute parole irrespectueuse et mettait comme légende, en bas de son dessin, un hommage plein de déférence. « Corot, écrivait Nadar : un des noms les plus justement vénérés de l'école moderne. Quand même l’admiration que nous professons pour ce talent si élevé ne nous interdirait pas ici toute tentative de plaisanterie, nous serions encore rappelé au respect par la dignité de ce caractère et l’estime fervente qu’il inspire à toute la jeune génération. » Le fait est que, sous son aspect de « barbier de village » ou de « roi d’Yvetot », pour emprunter la comparaison tombée de la plume de Théophile Silvestre après celle inventée par Champfleury, cet artiste « à la cordialité joyeuse », « à la face enluminée », habituellement coiffé d’un « bonnet de coton à mèche tricolore » et « vêtu d’une blouse bleue » de paysan, cachait, sous des dehors plutôt vulgaires, un grand fond de sérieux et l’âme la plus ardemment éprise de sa profession M. Frédéric Henriet, l’excellent historiographe de son ami Daubigny, dépeignant naguère les mœurs du groupe de peintres auquel celui-ci appartenait et dont il faisait lui-même partie, comparait la gravité des vocations artistiques de ce temps-là à celle des vocations religieuses. A l’entendre, l’homme qui se donnait alors à la peinture lui appartenait sans partage : c’était une sorte d’entrée en religion. Eh bien, Corot fut par excellence un de ces illuminés chez lesquels brûle l’ardente flamme que la foi allume au fond des cœurs. Sa figure, semblable en cela à celle d’Ingres, est véritablement celle d’un pontife de l’art. Son pontificat à lui, s’exer-