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tenait ferme et solide à l’unique tolet que la mer n’eût pas arraché. Un coup enleva le gouvernail ; Dolbret faillit suivre la barre emportée par la vague. Ce fut une bataille terrible, mais aux chances évidemment inégales, entre l’élément invincible et les deux hommes. Malgré son courage et sa détermination, Pierre Dolbret commença d’avoir peur. Maintenant, de crainte de voir l’embarcation s’engloutir, ils avaient dû en sortir et s’y cramponner, chacun à son bout.

Pierre avait une soif qui le consumait depuis une demi-heure. Maintes fois, depuis le commencement de cette demi-heure, il avait eu envie de dire à Labbé : J’ai soif ! Car l’homme redevient un enfant devant ces manifestations de force, et, dans le délire de la terreur ou la détresse, il éprouve le besoin de se rattacher à quelqu’un, de chercher protection, il a peur de rester seul. Cependant Dolbret, qui avait fait toutes ces réflexions avant d’entreprendre son évasion, tenait bon. Même il eut le courage de blaguer ; il demanda à P’tit-homme :

— Dis-donc, Labbé, une tempête dans un verre d’eau, as-tu déjà vu ça, toi ?

P’tit-homme, dont la littérature était plus que rudimentaire, le crut fou, mais voyant que, malgré sa fatigue, Dolbret avait encore le regard clair et intelligent, il se fâcha :

— Terrinée de bluets ! vous autres les messieurs, vous avez toujours des bêtises à dire quand ce n’est pas le temps. Tournez donc la chaloupe, plutôt, la gueule en haut.

Un coup de mer aida Dolbret à accomplir l’ordre de Labbé et ils se trouvèrent, comme par mi-