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Un instant il crut apercevoir la flamme d’une bougie piquant l’ombre ; mais, quand il regarda avec plus d’attention, il reconnut que ce n’était qu’un rayon de la lune réverbéré sur une vitre.

Le jeune homme demeura là longtemps, bercé par le murmure des ondes du ruisseau se précipitant sur la pente raide de leur lit vers l’étang du parc. Il suivait d’un œil qui semblait attentif la traînée écumeuse d’une minuscule cascade argentée, qui se brisait à ses pieds contre un gros caillou, mais sa vue seule était distraite, car sa pensée se retrouvait toujours près du large banc de son refuge verdoyant et discret, où, tantôt, Raymonde l’avait consolé et charmé.

Il la revoyait lui faisant accueil, assise dans le cadre fleuri des arbustes ; il entendait sa voix, il se rappelait chacune de ses paroles si douces, si simples, et à ce souvenir, une émotion exquise l’enveloppait, comme si l’eau, la terre et le ciel lui envoyaient avec les brises mystérieuses de la nuit leurs parfums les plus délicieux.

Mais, peu à peu, revenait l’obsession d’un voile épais, espèce de mur inaccessible, qui se dressait entre Mlle Dubreuil et lui. Des cris de colère et des gémissements succédaient à des chants d’amour, et le murmure du ruisseau semblait se plaindre et sangloter.

La maladie était là, qui l’avait terrassé et lui enlevait le droit d’être un homme. Celle qui lui était apparue si gracieuse et si jolie, qui lui avait tenu ce soir de si doux propos, il devait donc l’éloigner de son cœur ! Il ne l’avait donc rencontrée que pour souffrir davantage, et son dernier sourire était la flèche que le destin, Parthe impitoyable, venait de lui lancer en plein cœur !