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— Raymonde, dit-il encore, viendras-tu me retrouver au kursaal, quand Marcelle dormira ?

— Merci, mon père, répondit la jeune fille encore tout émue. Je me sens bien lasse ce soir et, avec votre permission, je rentrerai dans ma chambre.

Un moment, la folle, l’absurde idée vint à l’esprit de M. Dubreuil que la jeune fille voulait, en refusant d’assister à la soirée, se ménager un moyen de reprendre avec Darcier l’entretien interrompu. Ce ne fut qu’un éclair : mais alors il se fâcha tout de bon, non plus contre sa fille, la pauvre innocente ! Non ! contre lui-même. Il ne se pardonnerait jamais ce lâche soupçon.

Et furieux, il sortit.

Quand il rentra au Casino, il était calmé cependant.

— Vous excuserez Raymonde, cher ami, dit-il à M. Pauley. Elle se sentait lasse et m’a demandé la permission de rentrer chez elle.

Quand Raymonde eut couché petite sœur, elle rentra dans sa chambre. C’était la première fois, du plus loin qu’elle se souvînt, qu’elle se mettait au lit sans avoir reçu la bénédiction de M. Dubreuil avec le baiser de chaque soir. Se mettre au lit ! Raymonde n’en eut pas même la pensée. Les nerfs surexcités, elle prit un livre dont elle n’avait encore découpé que les premières pages et se mit à lire à le clarté de sa lampe. Impossible ! le sens des lignes imprimées lui échappait.

Sa mémoire dominait maintenant toutes ses autres facultés, remplie de la mercuriale un peu vive de son père. Elle en pesait les termes, cherchait à s’en définir exactement la portée, interrogeait le fond de sa conscience.

Eh ! bien, non, elle n’avait rien, mais absolument