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d’être recherché par lui n’eût pas été insensible à Raymonde : sans préciser les qualités qu’elle croyait lui reconnaître, devenir sa femme ne l’indisposait pas. Au contraire. La position de fortune et de famille du jeune homme était égale à tout le moins à la sienne. La classe à laquelle il appartenait était la sienne, à elle aussi, son éducation semblait parfaite….

Et sous l’influence de la nuit, de la solitude, du grand silence, Raymonde se sentait involontairement dégagée des mélancolies du présent. Son imagination, le charme de la rêverie, des aspirations si naturelles et si légitimes à son âge, la poussaient à suivre un vague roman, chaste et frais, tout de cœur, élégant et gentil, dont elle était la modeste et sage héroïne. Fernand était guéri ; il s’était fait agréer par M, Dubreuil, revenu de ses préventions passées, et elle s’apercevait mariée à lui, aimée, aimante et heureuse. Confiants et paisibles, accomplissant en commun des devoirs aimables, elle et lui suivaient une route unie, poursuivant l’idéal accessible de se plaire et de s’attacher davantage à mesure.

Poème simple, le seul digne de faire la préoccupation d’une jeune fille bien née comme l’était Raymonde, et que ceux-là seuls auraient trouvé mesquin dont l’âme grossière ne vibre qu’aux excitations pimentées de la passion. Nullement névrosée, ni sotte, ni malade, bien portante au contraire et de bon sens, Raymonde ne pouvait se laisser bercer qu’à de pareilles rêveries.

La fatigue enfin l’avait emporté : restée sur son fauteuil, sa tête s’était doucement penchée contre l’oreiller de son lit, et elle s’était endormie sur son poème…