Page:Moressée - Un mariage à Mondorf, 1887.djvu/248

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Fernand se leva pour repartir, mais, épuisé par cet effort, il se laissa brusquement retomber, sans savoir ce qu’il faisait. Son chapeau de soirée, posé trop au bord du large banc, roula à terre, pendant qu’il se pressait la tête à deux mains. Un moment encore, il regarda dans le vide, puis un spasme nerveux lui secoua les épaules, et il pleura comme un enfant.

Qu’il est bon de pleurer quand on souffre !… Maintenant la notion nette des choses lui revenait à l’esprit. De quel fol espoir s’était-il donc bercé et quelle avait été son audace ! Eh quoi ! pour un regard par Raymonde lui adressé en remerciement de la docilité avec laquelle il avait consenti à chanter, l’autre jour, il s’était imaginé qu’elle l’aimait !… Il fallait donc qu’il fût fou… Car, autrement, comment expliquer la démarche qu’il avait fait faire auprès de M. Dubreuil par le docteur ? Et que le docteur avait raison de le traiter d’amoureux prompt à voir tout en rose, quand il lui avait assuré que la jeune fille le payait de retour ! Il le voyait bien maintenant : elle ne l’aimait pas, car c’était en son nom que son père parlait tantôt pour dire que ce mariage était impossible. M. Dubreuil ne lui avait pas dit : « Je vous remercie de l’honneur que vous me faites en me demandant ma fille ». Non, il avait dit textuellement : « Raymonde me prie de vous remercier de l’honneur que vous lui faites… » Quel coup cruel, cette déclaration d’indifférence polie d’un cœur qu’on se croyait acquis !…

Le jour naissait quand Fernand rentra dans sa chambre. Mais sa surexcitation était encore trop grande pour qu’il pût espérer dormir : il souffrait d’un étrange malaise, ressentant tout à coup l’impression d’un grand vide qui s’était fait en lui, puis se torturant