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pensèrent fuir de toute la vitesse de leurs jambes. Puis, comme la vilaine femme était déjà tout près d’elles, elles eurent grand’peur et ne bougèrent point. La Zanetta s’approcha en leur souriant, et, avisant l’une d’elles, se mit à la caresser avec de souples mouvements de couleuvre.

Tout à coup, la petite fille ressentit une piqûre douloureuse à l’oreille, le crochet de son pendant d’oreille que la femme cherchait à lui enlever et qui, sous l’effort, s’enfoncait dans la chair. Elle poussa un cri. Sa compagne, retrouvant un peu d’énergie, prit sa course et disparut bientôt au détour du chemin. Alors la Zanetta avait voulu en finir et arracher brusquement le bijou, qui s’obstinait : mais l’enfant était courageuse et se défendit. Dans la chair de cette figure de voleuse, qui se penchait sur son visage, elle enfonça ses ongles crispés, labourant la peau, déjà sanglante. Cette résistance fit naître chez la bohémienne une effroyable colère. Sous sa robe, elle saisit un long couteau affilé et frappa…

Puis, effrayée, elle poussa un cri aigu, fit à ses gens réveillés quelques signes et disparut dans le bois. Une heure plus tard, la gendarmerie, informée par les parents de la fillette qui s’était enfuie au galop, se présentait devant le camp volant, le revolver au poing. Dans la soirée, on arrêta la Zanetta, qui errait au hasard dans la campagne…

Tel était l’exposé des faits relatés dans l’acte d’accusation. À l’audience du matin, après cette lecture, le président de la Cour avait procédé à l’interrogatoire de la femme criminelle. Celle-ci avait demandé qu’on l’interrogeât en français : elle parlait elle-même cette langue avec la plus grande facilité