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breuil fut soudain frappé de l’extrême pâleur du jeune homme.

— Souffrez-vous ? Monsieur Darcier, dit-il. Vous paraissez indisposé : l’excessive chaleur, peut-être, vous incommode….

— Eh non ! répondit Fernand. Seulement, vous l’avouerai-je, Monsieur ? je suis profondément troublé par l’incident dont nous venons d’être témoins. Du premier regard, j’ai reconnu cette femme que l’on juge. Où l’ai-je vue ? Quelles relations ai-je pu avoir avec elle ?… J’ai beau me creuser la mémoire, je n’y retrouve distinctement aucun des souvenirs qu’y a remués la vue de cette femme. Or, tout à l’heure, quand elle a poussé ce cri terrible en perdant connaissance, c’est sur moi qu’était rivé son regard, détaillant les traits de mon visage avec une effrayante fixité. J’en suis sûr, cette femme aussi me reconnaît et m’a reconnu. Que va-t-il se passer ici ?…

Comme le jeune avocat l’avait prévu, on annonça quelques moments après que l’accusée était remise. Mais contrairement à toutes les prévisions, c’était elle qui demandait avec insistance qu’on lui permît de rentrer dans la salle.

— Laissez-moi, disait-elle aux gendarmes qui n’arrivaient qu’à grand’peine à la maintenir. Laissez-moi, vous dis-je ! Je veux le revoir…

Et, sur l’ordre du président, elle rentra dans la salle, toujours escortée des gendarmes, et se remit à son banc. Elle paraissait transformée. Sa physionomie avait perdu l’air de cruauté méchante qu’elle s’exerçait tout à l’heure à lui donner. Dans son regard, quand elle se retourna du côté de M. Darcier, elle avait mis une étrange douceur, et sa bouche semblait illuminée comme d’un vague sourire.