Page:Moressée - Un mariage à Mondorf, 1887.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 278 —

Le pauvre père faisait pitié à voir. Voulant dompter jusqu’au bout l’angoisse terrible qui l’étreignait à la gorge, et refouler en lui le flot des larmes qui cherchaient à se faire un passage, il avait la figure horriblement contractée dans l’effort, et sa main se crispait d’un geste nerveux au rebord de la table, à laquelle il s’était appuyé.

Fernand, en face, était affreusement pâle. En interrogeant sa conscience, il y voyait avec effroi le sentiment de son ardent amour pour Raymonde absorber tout son cœur et n’y laisser place à aucune tendresse. Cette enfant, qu’il avait accoutumé d’appeler Marcelle Dubreuil, c’était sa sœur ?… C’était Marie Darcier ?… Étrange surdité de son cœur qui n’y voulait pas croire, et dans lequel pas une fibre ne vibrait à cette douce pensée !… Marcelle, sa sœur, il allait la reprendre… Ah ! qu’il eût voulu la laisser aux bras du père qui l’avait adoptée et chérie, s’il eût pu, en échange, obtenir Raymonde de ce père, et l’emporter sur son cœur !…

— Mon cher ami, dit le docteur, abrégez le tourment de ce malheureux père, de ces pauvres enfants. Dites-leur à quoi vous êtes résolu, que vous reprenez votre sœur….

— Monsieur Dubreuil, dit Fernand, je comprends la grandeur héroïque de votre abnégation, et c’est de toute mon âme que je compatis à votre douleur. Les faits sont évidents et la vérité nous aveugle ; celle que vous avez habituée à se considérer comme votre enfant est ma sœur. Mais tout en bénissant Dieu, qui permet que cette enfant me soit rendue, je lui demande en vain depuis trois jours de m’éclairer et de me faire découvrir un moyen…