Page:Moressée - Un mariage à Mondorf, 1887.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 33 —

Dans le coin du coupé, M. Dubreuil lisait les journaux du matin, absorbé depuis un instant par l’explication fort ingénieuse que donnait un journaliste des combinaisons financières proposées pour le budget de 1888. Entre son regard préoccupé et la feuille qui tremblait des cahots de la voiture, les arbres, les maisons, les viaducs étendaient rapidement leur silhouette vertigineuse : Pantin, Lagay, Villemomble, Noisy-le-Sec paraissaient dans le cadre de la portière, y étranglant, l’espace d’un éclair, leurs panoramas joyeux, puis filant à grande vitesse pour disparaître bientôt dans un vaporeux lointain.

Il ne voyait toujours rien, épluchant entre les lignes les commentaires du courriériste…

Mais, tout-à-coup, il lui devint impossible de lire : le papier tremblait si fort qu’il semblait secoué par les hoquets d’un joyeux éclat de rire. C’était drôle, et quelle extravagance de son imagination : il lui semblait entendre distinctement ce rire du papier ! Pour couper court à cette illusion drôle, il leva la tête et chercha Marcelle.

Alors le mystère du papier rieur s’expliqua : la folle gamine, aux pieds de son père, s’était accroupie riant aux éclats, tandis que du bout de son doigt tendu elle agitait vivement le journal.

— Enfin, dit-elle, je t’ai tiré de ta politique maudite. Et maintenant, petit père, sois sage, n’est-ce pas, et conte-nous quelque chose… Tiens, Château-Thierry ! Nous voici dans l’Aisne…

— Oui, acheva M. Dubreuil, en pleine sous-préfecture. À propos, mignonne, tu sais que tu vas devoir changer ton manuel de géographie : M. Goblet les supprime, les sous-préfectures !…