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Comme elle passait sous la fenêtre de l’hôtel, l’hôtelier entra pour renseigner son ami sur cette femme aux allures étranges. M. Dubreuil s’approcha pour écouter.

L’infirme, qu’accompagnaient ses deux frères, deux robustes campagnards veillant sur elle et la soutenant de chaque côté sans pouvoir l’empêcher de bondir, était une riche fermière de Poméranie que les médecins avaient renoncé à guérir. Les frères, qui connaissaient la légende de Saint-Guy — car la tradition l’avait portée jusque dans cette contrée reculée de l’Allemagne du Nord — avaient décidé de faire avec elle le pèlerinage. Ils étaient arrivés la veille et avaient couché à l’hôtel : mais dès minuit la malade s’était levée pour se mettre en prières. La fatigue du voyage paraissait l’avoir un peu apaisée : le matin cependant l’accès du mal eut une reprise et on avait emmené la pauvre femme.

— Mais d’où vient cet air d’extase de la physionomie ? demanda M. Dubreuil.

— Ah ! Monsieur, répondit l’hôtelier, ignorez-vous que c’est un des signes caractéristiques de la véritable danse de Saint-Guy ?… L’autre est la position du bras et de la main qui bénit. Les malades reproduisent ainsi exactement l’attitude donnée aux portraits du Saint…

— Étrange, étrange en vérité, murmura M. Dubreuil.

Quand il retourna près de ses filles, il trouva Raymonde occupée à consoler Marcelle, tout en larmes. L’impression faite sur la pauvre petite par le douloureux spectacle de la procession avait été trop forte, et les larmes, qui s’étaient précipitées, l’avaient seules empêchée de perdre connaissance.