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position anormale dans laquelle nous avons si brusquement été placés les uns vis-à-vis des autres, et que votre indisposition momentanée a pu seule faire ajourner jusqu’ici.

Vous comprendrez cependant l’immense douleur à laquelle je suis encore à cette heure en proie, et vous me permettrez de me borner à faire un bref exposé de notre situation réciproque. Il va y avoir dix ans, qu’au retour d’une excursion dans les environs de ma propriété de Touraine, je fis sur la grande route, à proximité de Beautaillis, la trouvaille d’une enfant âgée d’environ six mois, qu’on y avait abandonnée dans l’herbe du fossé. J’informai la justice de cette découverte et de l’intention que je nourrissais de garder la petite fille ; en outre, pensant que l’enfant, malgré toutes les probabilités, pouvait avoir été volée, je fis insérer, dans divers journaux importants de Paris et des départements, le récit de ma trouvaille avec les indications et le signalement se rapportant à l’enfant. Cette publicité resta sans résultat ; la justice clôtura son enquête sur un aveu d’impuissance. Alors, je m’encourageai dans mon projet de garder la petite fille ; Raymonde lui donna un nom, et nous entourâmes des soins les plus délicats et les plus dévoués celle qui dès lors était destinée à devenir Marcelle Dubreuil.

Mais tout à coup, dans le ciel serein de notre vie paisible, la foudre a éclaté. La Zanetta est venue nous révéler ce passé que nous ne connaissions pas et que nous espérions ne plus jamais connaître ; la ravisseuse nous a fait le récit de son crime. Par elle, vous avez su ce qu’était devenue la jeune sœur dont vous pleuriez la disparition…