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de mon père, tuait au fond de mon cœur mes douces et chères espérances. Dis-moi, bonne Rose, que deviendrait-on si l’on n’avait pas la ressource de pleurer ?…

« Ah ! que j’ai pleuré, et quelles larmes amères ! Dieu cependant, que je priais avec ferveur de venir à mon aide et de me fortifier dans cette crise douloureuse, jeta sur moi un regard de pitié.

« Mon père avait accepté de nous conduire mardi à Luxembourg, pour entendre un de ses amis, un grand avocat d’ici, plaider dans une affaire de Cour d’assises. Fernand, que le hasard nous fit rencontrer à Luxembourg, nous accompagna au tribunal. Or, vois comme il est facile à Dieu, ma chère Rose, de dénouer rapidement une situation qui paraît sans issue. La femme que l’on jugeait reconnut tout à coup M. Darcier, dont elle avait longtemps servi la famille en qualité de gouvernante. À cette vue, le remords la prit et elle résolut, pour en faire taire l’âpre voix dans sa conscience, de révéler aussitôt un crime épouvantable qu’elle avait autrefois commis, et que la justice ignorait cependant. Elle raconta que, pour se venger de sa maîtresse, la mère de Fernand, dont elle avait à se plaindre, et dans l’espoir de faire payer très cher à M. Darcier la restitution de son enfant, elle lui avait volé sa petite fille Marie, alors encore au berceau, et s’était enfuie en l’emportant… T’ai-je dit que cette femme était une bohémienne, dont le père commandait une de ces tribus nomades si dangereuses que l’on voit traverser nos villages en y exerçant leurs coupables industries ?

« Fernand sanglotait en plein tribunal : imagines-tu, ma bonne Rose, ce que ta petite Raymonde devait souffrir en l’entendant pleurer ?