Page:Moret - L’emploi des mathématiques en économie politique.djvu/168

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Ce n’est donc pas une qualité absolue, mais une qualité relative qui dépend des besoins de l’homme : « L’utilité ne dénote pas une qualité intrinsèque des choses que nous qualifions d’utiles ; elle exprime seulement leur rapport aux efforts et aux plaisirs de l’humanité » (Senior). Par suite, l’utilité d’une marchandise doit être considérée « comme mesurée ou même tout à fait identique »[1] à ce que la consommation de cette marchandise ajoute au bonheur de celui qui la consomme. Or, au fur et à mesure que se poursuit la consommation d’une quantité de marchandise déterminée, l’intensité de la jouissance produite et réciproquement le degré d’utilité, c’est-à-dire l’utilité « spécifique » de la marchandise considérée, sont des grandeurs variables, qui finissent en général par devenir constamment décroissantes[2], de telle sorte que chaque élément de marchandise successivement consommé est caractérisé par une utilité élémentaire différente de celles des autres

    lement sont entrés dans le vocabulaire économique : ophélimité, imaginé par M. Pareto, à propos des travaux de qui nous avons déjà eu l’occasion de le citer, et désirabilité, proposé par M. Gide et employé par M. I. Fisher dans ses derniers ouvrages. Il est regrettable que ce dernier vocable n’ait pas été adopté par les auteurs de langue française parce qu’il aurait offert le double avantage de dissiper tout malentendu sur la notion d’utilité économique et de permettre la création, par la simple adjonction du préfixe in, d’une expression adéquate (indésirabilité) à cette utilité négative à laquelle Jevons a donné le nom de disutility, que les traducteurs se sont bornés à franciser ; mais il ne faut cependant pas attacher une importance exagérée à ces questions, car peu importe le mot pourvu que l’on soit fixé sur sa signification, ce qui est évidemment la condition primordiale de toute étude scientifique.

  1. Théorie… [p. 91], ch. iii, p. 105.
  2. On a prétendu rattacher ce fait à la loi de Fechner, dont l’expression la plus élégante consiste à dire que les sensations sont proportionnelles aux logarithmes des excitations, mais il est bien plus simple de le considérer comme résultant directement de l’expérience, plutôt que de le faire dépendre d’une loi également expérimentale, dont l’exactitude est d’ailleurs loin d’être établie.