Page:Moret - L’emploi des mathématiques en économie politique.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur emploi tout en reconnaissant la fausseté de certaines théories, dans l’élaboration desquelles elles sont largement intervenues. Il est vrai que l’on a objecté — et Walras a été le premier à reconnaître[1] — qu’en économie politique la difficulté réside principalement dans la position des questions. Mais cette objection comporte deux réponses. La première, c’est que quand bien même les procédés analytiques n’assureraient que l’exactitude des raisonnements, cela constituerait déjà un élément de certitude des conclusions qui ne serait pas négligeable. Quant à la seconde, c’est que, sans offrir les mêmes garanties d’infaillibilité que lorsqu’il s’agit des raisonnements, l’emploi des mathématiques est cependant de nature à faire échapper celui qui y recourt à de nombreuses erreurs qui auraient pu se glisser dans ses prémisses[2]. D’une part en effet, l’usage du langage mathématique, essentiellement précis, ne permet pas de se contenter d’énoncés vagues, dont l’imprécision cache le plus souvent soit des erreurs, soit des lacunes, tels, par exemple, que cette fameuse formule d’après laquelle le prix des marchandises varierait en raison directe de l’offre et en raison inverse de la demande, ce qui est faux et constitue un contresens, à moins que ce ne soit un non-sens. Et d’autre part, du fait de cette grande simplicité grâce à laquelle on peut embrasser d’un seul coup d’œil les divers facteurs qui interviennent dans un phénomène, l’usage des symboles et des procédés analytiques ne laisse aucune place à ces problèmes insolubles, parce que le nombre des inconnues y est différent de celui des conditions destinées à les déterminer, dont certains économistes littéraires se sont parfois acharnés à chercher

  1. Voir Théorie mathématique… [p. 163], p. 12.
  2. Cpr. W. Whewell, Mathematical exposition... [p. 74], p. 194.