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Page:Moret - L’emploi des mathématiques en économie politique.djvu/51

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l’imaginer bon nombre de critiques, d’obtenir les solutions des problèmes pratiques qui préoccupent les économistes ; cet emploi a, quant à présent du moins^ pour objet unique de représenter et d’expliquer les phénomènes économiques généraux dont l’étude constitue la partie de la science économique, à laquelle Jevons a proposé de réserver le nom d’Économique, tandis que d’autres lui ont donné celui d’Économie rationnelle, et que nous appellerons, conformément à l’usage qui tend à prédominer, l’Économie pure[1]. Et dès lors il est clair que toutes les critiques, que l’on peut adresser aux théories mathématico-économiques du fait de leur défaut d’adaptation aux problème pratiques, s’appliqueraient presque mot pour mot à toutes les sciences pures, à la mécanique rationnelle, par exemple, dont tous les théorèmes reposent sur des hypothèses absolument irréalisables. Mais il ne viendrait jamais à l’esprit des personnes tant soit peu au courant des questions techniques de contester l’importance de la mécanique rationnelle du fait de l’impossibilité d’éviter les frottements ou de se procurer des matériaux parfai-

  1. La nature purement théorique de l’économie mathématique n’a pu échapper qu’à des lecteurs bien inattentifs des ouvrages des économistes mathématiciens contemporains, car on ne voit guère comment on pourrait déceler la prétention d’établir mathématiquement des mercuriales dans les travaux d’un Walras, qui, son œuvre achevée, s’apprêtait à déclarer que « l’application [des mathématiques à l’économie politique] ne consiste pas du tout à prévoir, mais à expliquer la variation des prix suivant les variations de l’offre et de la demande » (Passage d’une préface inédite à un abrégé des Éléments… [p. 106], cité par M. Antonelli dans la Revue d’histoire des doctrines économiques et sociales, 1910, p. 176 note), ou dans ceux d’un Pareto, qui a été le premier à reconnaître que pour que l’on puisse résoudre les 70699 équations de la détermination des prix sur un marché ne comportant que 100 trafiquants et 700 marchandises, il faudrait que l’économie politique vienne en aide aux mathématiques ! (Manuel… [p. 143], ch. iii, §217).