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Page:Moret - L’emploi des mathématiques en économie politique.djvu/67

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dire c’est qu’en l’état actuel de leur développement, elles ne semblent pas présenter les éléments d’une utilisation pratique (si tant est que l’économie politique en général soit parfois bonne à quelque chose ! ) Mais c’est encore là un point sur lequel il ne faut pas se méprendre, car quand bien même l’économie mathématique n’offrirait que des enseignements insuffisamment précis, ce ne serait pas nécessairement une raison pour qu’elle ne soit pas susceptible de fournir dans certains cas de précieuses indications, ainsi que l’a fait ressortir le professeur Marshall par une heureuse comparaison entre l’économie politique et la science des marées[1]. Et d’ailleurs, envisagée au point de vue de l’insuffisance de « rendement », l’objection de l’inutilité de l’économie mathématique se réduit immédiatement à celle de l’insuffisance des acquisitions de cette science[2], objection que nous avons précédemment prise en considération.

  1. Principes… [p. 100], t. I, l. I, ch. vii, § 3 n.
  2. C’est même en se plaçant au point de vue utilitaire, duquel nous envisageons maintenant la question de la fécondité de l’emploi des mathématiques en économie politique, que l’un des premiers économistes mathématiciens, M. W. Launhardt, a entrepris, il y a 30 ans, de répondre par avance de la manière suivante à tous ceux qui seraient tentés de proclamer la stérilité de cet emploi : « Dass die Mathematik nicht alle Seiten volkswirthschaftlicher Aufgaben, die ja oft vielfach in das sittliche und politische Leben eingreifen, in erschöpfender Weise aufklären kann, darf wahrlich kein Grund sein, ihre Anvendung zu verwerfen oder auf ihre Hülfe da zu verzichten wo sie allein helfen kann. » (Mathematische Begründung [p. 202], préf. p. ii). — Notons, à ce propos, que les premiers économistes mathématiciens n’étaient pas aussi présomptueux que certains auteurs affectent de le croire : ainsi, tandis que Dupuit n’hésitait pas à proclamer que « quand on ne peut savoir une chose, c’est déjà beaucoup de savoir qu’on ne sait rien », Cournot avouait que « ses modestes prétentions étaient, non d’accroître de beaucoup le domaine de la science proprement dite, mais plutôt de montrer (ce qui a bien aussi son utilité) tout ce qui nous manque pour donner la solution vraiment scientifique de questions que la polémique quotidienne tranche