III. — Pro Deo
Le 16 juillet 1818 fut un jour mémorable pour la colonie d’Assiniboia. Sur la rive gauche de la Rivière-Rouge et tout près du fort Douglas, une foule inquiète de Canadiens et de métis français, auxquels se mêlaient des Irlandais et quelques Écossais, entre autres le nouveau gouverneur, Alexander Macdonell[1], allaient et venaient, paraissant dans l’attente de quelque grand événement. Dès le matin, un courrier avait parcouru à cheval leurs fermes et visité leurs humbles demeures, et maintenant tous les regards convergeaient du côté du coude que fait la rivière pour former la pointe Douglas, comme si de là devait venir le salut. Tout à coup un cri se fait entendre :
Les voilà !
— Les voilà ! répètent une multitude de voix en deux ou trois idiomes.
Et pendant que la troupe de colons et de chasseurs se précipite sur le rivage, plusieurs canots doublent lentement le cap et peu après abordent aux pieds de la foule accourue pour souhaiter la bienvenue aux deux principaux étrangers qu’ils portent.
Ceux-ci, jeunes encore, et doués d’une haute stature et d’une superbe prestance, gravissent la berge, souriants et heureux bien qu’à plus de six cents lieues de leur patrie, et serrent chaleureusement la main aux enfants de la prairie qui soupirent depuis si longtemps après leur arrivée. Les Canadiens et autres blancs, émus jusqu’aux larmes, voyaient dans ces deux messagers du Prince de la paix, la fin des malheurs qui avaient fondu sur leur pays d’adoption et comme un reflet de la patrie absente, tandis que les métis, tout yeux et tout oreilles, étaient ravis de contempLer enfin ces hommes de Dieu, dont leurs pères leur avaient tant parlé.
Messieurs Joseph-Norbert Provencher et Sévère Dumoulin, prêtres du diocèse de Québec, prenaient possession du coin de la vigne du bon maître que l’obéissance leur avait assigné, et dans lequel le premier allait se dépenser jusqu’à la mort. Les bonnes dispositions des uns allaient dès lors produire des fruits de salut,
- ↑ Catholique comme son prédécesseur.