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de la justice humaine, elle le faisait dans le but de rétablir l’équilibre social violé par des privilèges d’un autre âge et parce que ces privilèges, désormais inutiles aux bénéficiaires, étaient contraires au droit à la vie inhérent au gouverné aussi bien qu’au gouvernant.

Bien différente fut l’ingérence illégale de la population anglaise dans un cas qui, pendant un certain temps, passionna l’opinion dans la colonie tout entière. Au commencement de 1861, la paroisse anglicane de Headingley était desservie par un M. Griffith-Owen Corbett qui était appelé à une triste célébrité. Ce révérend paraissait tout feu et flamme quand il s’agissait de défendre les droits et privilèges des catholiques. Par exemple, le greffier du Conseil de l’Assiniboia ayant eu le malheur de gratifier Mgr Taché dans un rapport officiel du titre de Seigneur évêque de Saint-Boniface, il s’était attiré l’ire du prédicant, qui soutint dans plusieurs lettres publiées dans le journal local que ce titre de Lord Bishop était non seulement déplacé, mais illégal. Un prêtre releva le gant, et malgré que son éducation ne fût pas celle d’un académicien, Louis Riel, qu’on appelait déjà « le meunier de la Seine », d’un moulin qu’il avait sur ce cours d’eau, voulut se mettre de la partie et appuyer les dires du missionnaire catholique.

M. Corbett ne s’émut probablement pas outre mesure de ses périodes plus ou moins correctes. Il ne paraissait pas homme à se troubler pour si peu. Ce même printemps, la petite fille d’un de ses paroissiens qui vivait loin du temple étant venue à mourir, ses parents firent, comme il était d’usage alors, les préparatifs des funérailles pour le second jour après son décès, puis en notifièrent le ministre, lui annonçant le moment de leur arrivée avec le corps. Pour toute réponse celui-ci leur écrivit qu’ils eussent à attendre à plus tard, vu qu’il ne pourrait faire l’enterrement comme ils le désiraient, parce qu’il avait été invité à dîner ce jour-là chez un de ses paroissiens. Pourtant, ayant appris qu’ils allaient porter plainte à son évêque, il finit par faire passer ses occupations gastronomiques après les devoirs de son état.



Tel était l’homme qui, au commencement de décembre 1862, fut tout à coup accusé d’un double crime dont la victime avait été en service chez lui. L’infortunée avait fait sous serment une