Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/105

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manité baptisée. Et, comme pour conclure cette alliance mystique des deux traditions, un Docteur écrivit Télémaque, un Poëte écrivit Polyeucte.

Elles-mêmes, les conditions matérielles du théâtre sont significatives. Ce sempiternel vestibule où les modernes ont froid, ces acteurs sans costumes, aux attitudes, au parler monotones, toute cette indigence du décor dit assez clairement que la seule réelle scène est dans la pensée du Poète et des spectateurs. Il n’a pas d’idées à leur montrer, il n’a que des pensées à leur proposer. Le point de vue est du psychologue héroïque, si c’est Corneille qui parle, du psychologue passionnel, si c’est Racine, du psychologue moraliste, si c’est Molière. Héroïsme, passion, morale sans précise date : la vérité sur l’homme intérieur, sur un type caractéristique de l’âme humaine, voilà ce que prétend dire le Poëte et ce que les spectateurs prétendent entendre. On ne se doute pas encore du tempérament, on ne pense qu’au caractère, on ignore le pittoresque (qui est la transition romantique du caractère classique au tempérament naturaliste). Si l’homme n’a pas de vêtement, c’est qu’il n’a pas de corps, c’est qu’il consiste exclusivement en son âme. Comment connaîtrait-on l’influence mutuelle des affections corporelles et des affections psychiques ? L’homme n’est pas encore un être servi par des organes, et si Molière semble parfois se souvenir d’eux, c’est surtout à titre de ridicule,