Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/148

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fantôme dans le miroir de son propre malheur :

Tum quoque se, postquam est inferna sede receptus,
In Stygia spectabat aqua.

Les Romantiques ne regardaient pas dans leurs âmes. Il suffit de nous rappeler les Types qu’ils ont créés — et qui sont déjà bien loin de nous ! Je ne parle plus des créations de Gœthe et de Byron. Je pense aux héros des drames et des romans d’Hugo, à Hernani, à Dona Sol, à Marion Delorme, à Triboulet, etc., à Quasimodo, à La Esmeralda, à Jean Valjean ; je pense au Chatterton de Vigny, à l’Antony de Dumas, au Fortunio de Gautier, au Don Paez, au Rolla de Musset…. On a tout dit mille fois sur leur grâce irréelle. Ce qu’ils déclament est bien délicieux, souvent et presque toujours leur geste est charmant comme leur costume est magnifique. Mais ce n’est pas d’eux que M. de Banville pourrait croire qu’ils ont pris leur costume dans leur âme, car ils n’ont jamais eu d’âme ! J’entends ce qu’ils disent et je vois le geste qu’ils font, je suis fâché qu’ils n’aient pas pensé avant de parler et que leur geste ne soit pas régi par le battement de leur cœur.

Le Romantisme manqua de conscience, — voilà sa plus nette et sa plus vraie caractéristique. C’est pourquoi sa forme préférée est la forme dramatique, celle où le plus aisément le poëte peut donner le change sur l’indigence de ses pensées. — Je le ré-