Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/162

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Et, d’ailleurs, Sainte-Beuve lui-même, comme l’a très bien observé Émile Hennequin[1], n’est pas encore le Critique moderne tel, par exemple, qu’il nous apparaît en M. Taine et j’ajoute : tel qu’il nous apparaissait, hélas ! en Émile Hennequin lui-même. Saint-Beuve n’étudie pas le problème « du rapport de l’auteur avec son œuvre et celui du rapport des auteurs avec l’ensemble social dont ils font partie ; questions délicates et fécondes que M. Taine a le mérite d’avoir aperçues le premier. » Sainte-Beuve manquait d’assises scientifiques et d’une vision générale ; il n’a eu que des lueurs.

En définitive et telle quelle, l’œuvre du Romantisme n’est pas peu de chose. Romantique, dit M. de Banville, « romantique, dans le vrai sens du mot, c’est-à-dire cruel et ironique, poétique et bouffon, amalgamant le rire et l’épouvante, la négation et l’enthousiasme, plein d’antagonisme, de grandeur, de folie, d’amour, d’élans sublimes et d’absurdité, comme la Vie elle-même. » M. de Banville fait ici, lui-même, un peu comme ce critique dramatique qui voyait les pièces, non pas telles qu’elles étaient, mais telles qu’elles devaient et auraient pu être. Ce n’est pas le Romantisme que M. de Banville vient de définir, c’est l’Art parfait, c’est Shakespeare. — Le Romantisme découvrit le monde extérieur, eut le souci de la beauté des apparences, introduisit le mouvement dans l’Art

  1. La Critique scientifique.