Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/172

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manque de la vie des sens, il n’a guère que le mouvement et le sentiment ; — Renée ignore absolument cette réalité idéale ; elle n’a pas d’âme, et si elle garde quelque apparence de geste et d’extériorité de sentiment, c’est que les Naturalistes viennent de lire les Romantiques, mais sa seule vraie vie est dans ses sensations. C’est une élégante brute. J’exagérais les torts de Racine en disant qu’il a rendu muets les sens et les sentiments de Phèdre, j’oubliais le miraculeux vers :

Oh ! que me suis-je assise à l’ombre des forêts !

Racine — et aussi Chateaubriand — savent l’influence que la nature exerce sur l’esprit des amants, ils savent cette vérité que formulera bien plus tard un secondaire et délicieux poëte, qu’  « un paysage est un état de l’âme[1]. » M. Zola, s’il s’en doute, n’en laisse rien voir. Plus d’une fois il se surprend à dégager du personnage qui la subit la sensation, pour l’étudier plus profondément, et, s’il s’aperçoit qu’il risque ainsi de compromettre la vérité générale de son personnage, se hâte alors de le jeter, par un procédé tout romantique, dans l’action. — René est peut-être plus faux, parce qu’il se préoccupe moins des causes que des effets ; mais il y a plus de vérité dans Phèdre que dans Renée, parce que les causes psychiques sont plus

graves et plus profondes que les causes physiolo-

  1. Amiel.