Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/178

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et puisque l’utile, en Art, c’est le Nouveau : le plus loin, le plus intense. — Or, il n’y a de nouveau que le sentiment de l’artiste, l’impression personnelle qu’il reçoit de l’universelle nature. — L’Art est donc essentiellement subjectif. L’aspect des choses n’est qu’un symbole que l’artiste a la mission d’interpréter. Elles n’ont de vérité qu’en lui, elles n’ont qu’une vérité interne. — C’est parce que l’étroit de leur point de vue ne leur permettait de rendre que les effets matériels que les Naturalistes ont été conduits au style objectif et descriptif. En d’autres termes, ils ont, autant que possible, essayé d’abolir le Stvle lui-même. Il y a de vieilles définitions, polies et usées par la citation et qu’on a un peu honte de rééditer. Elles sont encore vraies, pourtant : « Le style, c’est l’homme, » et l’homme, c’est surtout son âme. Le style d’un homme est dans l’habitude de son attitude, dans le son de sa voix, dans sa manière de regarder, de marcher, de s’asseoir, de porter ses vêtements, jusque dans les plis que prennent à la longue ces vêtements — puisque le corps n’est que la forme de l’âme — aussi bien que dans son écriture. Comme ils avaient décrété que l’homme n’a point d’âme, les Naturalistes tâchèrent de n’avoir point de style, en écriture, et toutefois gardèrent le contradictoire projet d’exprimer, dans cette écriture sans style, le style de la vie ! C’est, peut-être, cette contradiction qui les a défendus de se perdre absolument : le style