Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/18

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n’aient point compris qu’en vulgarisant la science ils la décomposaient, que confier aux mémoires inférieures les Principes c’est les exposer aux incertitudes d’interprétations sans autorité, d’erronés commentaires, d’hétérodoxes hypothèses : car c’est lettre morte, le Verbe enclos dans les livres, et les livres eux mêmes peuvent périr, — mais le courant qu’ils déterminent, le souffle émané d’eux leur survit, — et que faire s’ils ont soufflé la tempête et déchaîné les ténèbres ? Or tel est le résultat le plus clair de tout ce fatras de vulgarisation. Par elle nos savants sont en train de rendre au grand Mystère originelles pénibles, les successives conquêtes qu’ils avaient faites sur lui. Peut-être suivent-ils l’irrésistible impulsion d’une loi suprême, peut-être est-ce la grande loi de l’Esprit qu’il rende à l’ignorance aujourd’hui les inventions d’hier pour les lui reprendre demain et ainsi toujours se tenir en haleine, peut-être telle doit être l’histoire de notre civilisation comme ce fut l’histoire des civilisations antérieures : c’est l’éternel retour des corps organisés à leurs éléments premiers qui les rendront à la vie. Mais peut-être aussi plus de prudence garantirait à la Science plus de durée, en maintenant plus longtemps le monde secondaire dans la modestie. D’ailleurs les résultats immédiats seuls ici m’intéressent, et il faut bien constater que la vulgarisation des sciences n’a pas peu contri-