Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/189

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et prennent conscience d’eux-mêmes. Il sont l’un de l’autre très loin, ils sont les points extrêmes du champ de l’esprit humain. Mais par cet échange qu’ils ont fait de sensualité esthétique ils annoncent ce profond, cet intense et contemporain désir de l’esprit humain de faire confluer en un seul large et vivant fleuve de Beauté réunie à la Vérité dans la Joie le courant mystique et le courant scientifique. — Il semblerait que celui-ci dût absorber celui-là. Naguère la Science avait biffélemot : Mystère. Elle avait, du même trait, biffé les mots : Beauté, Vérité, Joie, Humanité. C’est ce que le Naturalisme a bien prouvé, en nous donnant ses tristes et fades brutes, qui n’ont rien de mystérieux, certes, mais qui manquent de vérité dans la mesure précise où elles manquent de mystère. Les mots effacés ont reparu sous la rature : elle était de mauvaise encre. Dans ce domaine de l’Art, leur principal champ de bataille, le Mysticisme a repris à la Science intruse et accaparante, non seulement tout ce qu’elle lui avait dérobé, mais peut-être bien aussi quelque chose de la propre part de la Science. La réaction contre les négations insolentes et désolantes de la littérature scientifique, au lieu d’éclater dans un grand essor vers une Beauté joyeuse, s’est faite par un regain d’études psychologiques qui ne tiennent plus guère compte de l’organisme et pourtant restent sujettes de la science, — d’une part, et par une imprévue restauration poétique du